Accordez-moi

Gustave Lassible

Connaissez-vous sa vraie histoire ?

L’auvergnat.

Moi c’est Jules. Je suis un Parisien de France comme vous dîtes. D’où que je viens ? De l’Auvergne. Enfin, ma famille elle vient de l’Aveyron mais comme pour vous c’est tout pareil, alors je dis Auvergne, comme ça les mécontents seront contents. Et pis on est des auvergnats comme les autres ! Oui oui je sais ! Si je n’ai ni l’accent d’Auvergne, ni celui de l’Aveyron, c’est parce que c’est le père qui a fui la misère au pays. À cause du train. C’est qu’il faisait de la vache et que ses terres elles faisaient bien besoin aux gros propriétaires qui faisaient du blé. C’est la chaux qui venait pour nourrir la terre et c’est le blé qui partait sur Paris par la voie du chemin de fer. Le père, ça ! il l’a pas supporté : il leur a tout vendu son bout de terre et il est parti sur Paris avec le blé.

Ah c’est vrai que le boulot ici y en a. Parfois pour trois francs six sous ça c’est sûr, mais y en a. C’est parce que l’Auvergnat c’est un courageux et ça sait se débrouiller entre eux ! Y a pas de mal à se partager un secteur où qu’on livre le charbon. Même qu’il faut pas être des feignants pour monter les sac à l’étages. Et pis l’Auvergnat il est poli et courtois. Entre nous on s’appelle les charbougnats, cause du charbon qu’on livre. Et vous, c’est Bougnat que vous disez. Maintenant on est fier d’être les bougnats. Les bougnats de Paris. Au début il s’est logé chez la Huguette le père. De Saint-Flour qu’elle était. Au 6 bis rue Emile Lepeu. C’est dans le XIème. Bin l’était bien content de trouver la fille de la Huguette, la Henriette, qui l’a même épousée. Et c’est pour ça que je suis né.

Ça pour sûr que le père il a gagné plus d’argent vu qu’ils étaient plus nombreux à travailler dans la maison. En plus de vendre du charbon il a fait le vin aussi qu’on buvait sur place ou qu’on livrer comme le charbon. Ah le Beaujolais ? Y a qu’ça de vrai ! Le Gustave ? Bin oui : c’est mon fils.

L’italien.

Moi c’est Charlot. Gustave ? Pour sûr que je le connais. C’est pour ainsi dire moi qui lui est appris à jouer de l’accordéon au môme. Ah ! c’est une longue histoire. On est des émigrés d’Italie depuis 1860, et luthier de père en fils. Oui ! on fabrique et on répare des accordéons. On est facteur d’accordéons chromatiques ! Les boîtes à frissons comme on dit. Quand j’ai voulu avoir mon propre atelier c’est au 13 rue de Lappe que je me suis installé. Chez les bougnats. Et croyez-moi, c’était pas le plus facile. Moi, je voulais vendre mes accordéons mais à cette époque personne n’en voulait : c’était la cabrette, la cornemuse auvergante, la musette qui était à la mode ! d’ailleurs on disait qu’on allait au bal de la musette. Et puis vous pensez bien : Un Italien, ça ? Ça passait pas. Et puis en dessous de mon atelier y avait un café-musette : le bal Bousca du père Bouscatel. Un grand cabretiste à l’époque. Au début il voulait pas que je vienne semer la pagaille dans son bal. Et puis un jour il a bien voulu et on a fait le duo le plus célèbre de tout paris. Et j’ai même épousé sa fille. C’est qu’il était visionnaire le père Bouscatel avec ses enregistrements en 78 tours, il a vendu sa musique en boîte comme il disait. Et sa musique Parisienne elle est devenue à la mode même en Auvergne. Ahah ! Ça c’était le comble. Et il voyait bien que l’accordéon c’était l’instrument d’avenir. Avec Casimir Coïa, Émile Vacher et Giovanni Gagliardi on a monté les premiers bal du bord de Marne : les guinguettes… ah oui ! Le Gustave que vous me demandez…

C’est au bal qu’il venait le jeune Gustave. Ah ça pour ça ! Il était admiratif de l’instrument. C’est mon frère Louis qui l’a remarqué en premier et il l’a fait jouer sur son vieil accordéon. Ah le môme tout de suite c’est ça qu’il voulait faire. Un bougnat avec un instrument de rital : ça c’était fort ! Et puis je lui ai donné ses premiers cours, et il est devenu le roi d’l’accordéon… dans son quartier.

Le gitan.

Moi c’est Sarane. Oui je connais. J’ai déjà joué avec lui oui ! Avant de partir chez Tony, oui c’est ça ! Au début avec mes frères et mon cousin on les accompagnait au banjo les accordéonistes, puis après à la guitare. Oui avec Django oui ! Oui Django il était lui aussi de l’école des bals bien sûr ! Avec mon frère Baro ils ont même créé un style bien parisien : la valse-swing, le swing-musette oui c’est ça ! C’est les influences des danses des Amérique : le fox trot, le shimmy, le black-bottom, le charleston qui l’ont rendu possible tout ça quoi… et puis les instruments qui venaient avec : le jazz, enfin la batterie quoi, la contrebasse…  Voilà oui ! on faisait la musique moderne, on s’adaptait pour faire danser le gens. Et puis après on a mélangé les styles on a fait swinguer tout ça ! Oui oui, c’est ça ! Ça a toujours était la bonne école le bal : on reste pas sur un seul style. Ça change tout le temps. On interprétait à notre manière comme on le sentait. Et puis ça attirait les filles. Et puis y avait les bagarres aussi ! Ah bin oui ! Ça, ça se battait.

Ah ? Gustave ? Non, Gustave lui c’était un calme. Un bougnat qui joue de l’accordéon qu’on disait. Ah ça guinchait un peu partout avec Gustave : rue de Lappe à la Boule Rouge, le p’tit bal de la famille puis le petit Balcon passage Thiéré. Sur les bords de Marne aussi, les guinguettes quoi : Chez Gégène, à l’Hermitage, Convert ! Gustave Lassible oui c’est ça !

Un jour il a rencontré une fille des Amérique. Une danseuse-chanteuse. Anna je crois ! Oui c’est ça ! Elle faisait les claquettes. Avec Gustave ils ont fait un spectacle… et moi je suis chez parti chez Tony, oui ! Tony Murena oui c’est ça ! Anna et Gustave ? Bin faut aller les voir hein ! c’est eux qui vous diront !

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